Les femmes en force sur les routes du Tour de France

avr. 17, 2019, 13:00

Avec pas moins de 30 cols à franchir et cinq arrivées au sommet, le Tour de France 2019 sera le plus montagneux jamais disputé en 106 ans d'histoire.

Le peloton professionnel sur route masculin s'élancera le 6 juillet de Bruxelles (Belgique) pour rejoindre Paris (France), le 28 juillet, à l'issue de trois semaines et de 3460 km d'un défi majeur pour les coureurs et d'un véritable spectacle pour les fans. Mais beaucoup ignorent devant les images de la course, qui compte parmi les événements sportifs les plus regardés au monde, qu'un groupe de femmes s'attaque au même défi à la veille de chaque étape.

Et cela dure depuis 2015.

« Donnons des elles au vélo J-1 » est un groupe de coureuses confirmées au message clair : elles veulent voir le retour d'un Tour de France féminin.

« Il n’existe pas en France de course par étapes féminine médiatisée de référence », regrette Claire Floret, coordinatrice du projet, auquel elle participe également sur le vélo. « Nous souhaitons donc inciter à l’organisation d’une telle épreuve, qui aurait lieu durant une course masculine. »

Un événement ponctuel devenu annuel

Elle n'imaginait pas en 2015, lorsqu'elle s'est élancée pour la première fois dans l’aventure en compagnie de deux autres femmes, que l'initiative serait renouvelée chaque année, avec de plus en plus de partisans et une visibilité accrue.

« Personne ne croyait vraiment à la réussite de cette aventure avant notre départ », raconte Claire Floret. « Mais nous avons pris conscience par cette première édition que nous arrivions à éveiller les consciences, que notre message était partagé par beaucoup de monde, que les médias, le public, les partenaires, les instances étaient touchés par la question et prêts à s’engager davantage. Si nous voulions faire changer les choses… une année ne suffirait pas ! »

Des trois pionnières de 2015, le peloton a grossi au fil des ans jusqu'à 13 femmes sur l'ensemble des trois semaines, avec 80 à 100 personnes se joignant en moyenne à elles lors de chaque étape. Au total, quelque 2’200 cyclistes, dont près de 1’000 femmes, ont participé à l'aventure depuis ses débuts.

Les spectateurs déjà arrivés sur le bord des routes de la Grande Boucle attendent désormais de voir les femmes ouvrant la voie au peloton masculin du lendemain. « Les deux premières années, nous passions dans l’anonymat complet », se souvient Claire Floret. « Plus les années passent, plus les gens ont connaissance du projet. Leur soutien est juste fou. Cela nous donne réellement des ailes dans les cols ! 

« Lorsque nous attendons les dernières en haut des cols, nous en profitons pour sonder les spectateurs, échanger avec eux. Tous sont nostalgiques de l’époque du Tour de France féminin qui avait lieu dans les années 80, et très enthousiastes à l’évocation d’une épreuve féminine en même temps que les hommes. »

Des hauts et des bas

Cinq étés à arpenter les routes du Tour ont laissé des souvenirs inoubliables, à la fois mauvais – une intoxication alimentaire la poussant à boucler deux étapes sans pouvoir manger – et nettement plus agréables – la première fois où des spectateurs ont brandi bannières et slogans à leur attention : « Allez les filles ! », « À quand un Tour féminin ? ».

« A ce moment-là, je me suis dit que l’on avait gagné la bataille des idées et que nos efforts sur les routes de France n’étaient pas vains », souligne la coordinatrice.

Le soutien des pros, des médias et des sponsors

« Donnons des elles au vélo J-1 » a reçu le soutien de coureurs professionnels, hommes comme femmes, avec pour parrain et marraines Pauline Ferrand-Prévot en 2017 et Audrey Cordon Ragot et Warren Barguil en 2018. Bruno Armirail (Groupama-FDJ) a accompagné les femmes l'an dernier sur une portion d'étape, tandis que plusieurs coureurs et Equipes UCI ont relayé leur message et leurs activités sur les réseaux sociaux.

France Télévisions leur a offert une exposition quotidienne et une équipe américaine leur consacrera cette année un documentaire.

L'initiative bénéficie du soutien d'un nombre grandissant de sponsors, dont certains partenaires historiques du cyclisme comme Sojasun, la Française des Jeux et Skoda. Le budget 2019 est déjà bouclé à 80 % et les femmes ont bon espoir de réussir à rassembler les 15’000 euros dont elles ont encore besoin.

Préparation physique et logistique

Le parcours 2019 s'annonce particulièrement difficile, mais elles s'y préparent activement.

« L'annonce du parcours est toujours un moment qui provoque à la fois de la tension et de l'excitation », relève Claire Floret. « Le tracé sera-t-il particulièrement montagneux ? A quel point les pourcentages maximums seront-ils élevés ? Quel col referons-nous pour la 4e fois, ou découvrirons-nous pour la première fois ? Les transferts seront-ils longs, diminuant notre temps de repos ? »

Les préparatifs de l’édition 2019 ont commencé avant même la présentation du parcours en octobre dernier. En plus d’une solide préparation physique pour pouvoir encaisser trois éprouvantes semaines sur le vélo, le projet requiert une énorme logistique. Les 13 femmes seront accompagnées cette année par une équipe de 10 personnes, dont un photographe, des kinés, des mécaniciens et des motos ouvreuses.

Même s’il ne se limite pas à cette seule course, le message porté par « Donnons des elles au vélo J-1 » met particulièrement l’accent sur le Tour de France. « Ce monument de l’histoire du cyclisme qui fait rêver tout(e) cycliste, dont la caisse de résonnance est énorme dans le monde, doit être prioritairement rendu accessible aux féminines », explique Claire Floret. « Peut-être pas sur 3 semaines dans un premier temps, mais sur un format proche du Giro Rosa : une dizaine de jours sur la fin de l’étape masculine, autour de 120 à 150 km chaque jour. »

Suivre l’exemple des Classiques d’un jour

La coordinatrice du projet est persuadée que le message saura être entendu d’une oreille favorable étant donné les progrès récents du cyclisme féminin.

« L’évolution du cyclisme féminin s’est accélérée rapidement et positivement ces dernières années », avance-t-elle. « De plus en plus de grandes Classiques masculines d’un jour ont leur pendant féminin. Plusieurs UCI WorldTeams ont désormais une équipe féminine avec des moyens financiers intéressants. Le temps d’audience du cyclisme féminin augmente dans les médias, ce qui permet une évolution des mentalités, d’en finir avec certains stéréotypes qui voudraient que le cyclisme féminin soit ennuyeux et inintéressant.

« Si pour le moment, un réel effort est fait sur les courses d’un jour, il reste beaucoup de travail à accomplir sur les courses par étapes », conclut-elle.

 

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