Plan ambitieux de réseau cyclable à Séville: réussite et développement

févr. 5, 2019, 14:32

Quatre décennies d’urbanisme consacrées à la voiture avec la conviction que le vélo concerne les pauvres et une minorité de fermes défenseurs du cyclisme.

Un cauchemar pour les écologistes ?

Pas forcément. Rendez-vous dans la ville espagnole de Séville aujourd’hui ; il est dur de croire qu’au début des années 2000, la voiture était un indicateur de statut et que les routes devenaient de plus en plus congestionnées.

Comment cette ville méditerranéenne où la voiture était reine s’est-elle transformée en une métropole adaptée au vélo, utilisé pour 67 000 trajets par jour ? Où presque chaque foyer possède au moins un vélo dans son garage, et où un tiers de la population fait régulièrement du vélo ?

Nous nous sommes entretenus avec Manuel Calvo, consultant pour l’équipe derrière le Plan de la Bicicleta de Sevilla, un réseau protégé de piste cyclable pour les 700 000 Sévillans. Manuel Calvo est consultant en durabilité pour l’entreprise sévillane EstudioMC.

Selon lui, le tournant pour la capitale andalouse est survenu quand deux cyclistes sont entrés en fonction à la municipalité de la ville en 2003. Trois années plus tard, un sondage public a révélé une donnée stupéfiante : pour 90 % de la population, des infrastructures cyclistes seraient bénéfiques à Séville.

Les politiciens, y voyant une occasion de satisfaire la population et de récolter des votes, ont donc décidé de faire construire 80 km de piste cyclable avant les prochaines élections, tenues seulement 18 mois plus tard. Ils ont pour cela sollicité l’aide de Manuel Calvo.

« C’était risqué, admet le consultant. Mais je conseille maintenant à tous les gouvernements locaux de réaliser des projets cyclistes dans leurs deux premières années de leur mandat. »

« Vous devez tout faire dans les deux premières années. La machine se met en marche, puis les habitants voient les avantages et soutiennent ce que vous faites. »

Convaincre les sceptiques

Cela ne veut pas dire que le projet n’a pas été controversé ; tout le monde n’allait pas voir d’un bon œil 5000 places de parking disparaître (même si Calvo admet qu’ils n’ont pas dévoilé cette donnée à ce moment-là). Un journaliste a même publié un article intitulé : « Pistes cyclables inutiles : comment gâcher des millions. »

Mais Calvo avait une réponse toute trouvée.

« Le coût de la totalité du réseau s’élève à 32 millions d’euros. Combien de kilomètres d’autoroute cela représente-t-il ? Peut-être cinq ou six ? »

Il continue: « Ce n’est pas une infrastructure chère. Nous avons une ligne de métro qui a coûté 800 millions d’euros. Elle sert pour 44 000 trajets par jour, alors que le vélo représente 67 000 trajets par jour. »

Le réseau cyclable de Séville a été construit en pensant à l’avenir et comme projet en lui-même. L’idée était qu’il soit homogène, reconnaissable et fonctionnel dès le début. Le système à double sens a été construit le long des principales rues et avenues, surtout au niveau des trottoirs, mais sur un espace occupé précédemment par la voiture. Les Sévillans ont été consultés tout au long du projet et leurs retours ont amené des modifications dans certaines zones.

Pour le consultant, s’il est impossible d’obtenir 100 % d’approbation, la majorité des habitants de la ville ont soutenu le projet et étaient ravis du résultat.

« Tout le monde parlait du succès des pistes cyclables. Les magasins de sport n’avaient plus un seul vélo en stock. Ils ont dû s’approvisionner à Barcelone, à Madrid et en France ! »

Le projet poursuit sur sa lancée

Depuis ce projet ambitieux de construire 80 km de piste cyclable en 18 mois, la ferveur pour la culture cycliste n’a cessé de croître.

Les 80 km sont passés à 180 km et continuent de s’étendre. Un nouveau plan directeur approuvé en 2017 vise à améliorer l’intermodalité, les options sécurisées de parking et la qualité (pas nécessairement la quantité) du réseau. L’objectif est d’augmenter la mobilité totale – piétons exclus – des 9 % actuels (67 000 trajets par jour) à 15 % (115 000 trajets quotidiens).

« Mais toutes ces stratégies ne serviront à rien si la ville ne met pas en place une mobilité urbaine à la fois durable et intégrale, c’est-à-dire en réduisant le nombre de voitures », explique Calvo.

En plus du réseau cyclable, Séville dispose d’un système public de location de vélo – environ 2600 vélos et quelque 260 stations – utilisé pour près de 23 % des trajets quotidiens à vélo. De plus, l’université de la ville loue 400 vélos par an, tandis que le Consortium de transport métropolitain dispose de 250 vélos utilisables gratuitement pendant toute une journée par les personnes ayant effectué un trajet en bus de ville.

« La mentalité de la population sévillane a changé, explique Calvo. Les vélos sont partout. Des milliers de personnes s’en servent désormais comme moyen de transport. Construire le réseau a démontré que si vous faites quelque chose, les gens répondent. Cela a également montré que ce n’est pas un énorme problème de prendre de l’espace aux voitures pour l’utiliser afin d’améliorer les autres options de mobilité. »