Rencontre avec une paralympienne

août 1, 2019, 17:56

 Lora Fachie est une paracycliste avec un handicap visuel qui concourt pour la Grande-Bretagne dans les épreuves de tandem sur route, en ligne et contre la montre. Une médaille d'or aux Jeux de Rio en 2016 et deux titres mondiaux figurent notamment à son palmarès impressionnant. Elle est également mariée à une autre athlète paralympique, Neil Fachie. Rencontre avec Lora pour parler de tandem, de l'entraînement et de son chien guide Tai...

Qui est votre partenaire de tandem ?

Corrine Hall est ma pilote depuis 2013. On vit toutes les deux à Manchester [en Grande-Bretagne] et on s'entraîne régulièrement ensemble. En ce moment, on arrive à faire une à deux sessions de tandem par semaine. Le reste de mon entraînement se passe en salle et sur un home-trainer. J'utilise beaucoup Zwift, ça a révolutionné ma pratique du vélo.

Racontez-nous votre saison jusqu'à présent.

J'ai commencé l'année sur la piste. J'étais un peu déçue de perdre mon titre mondial en poursuite 3 kilomètres face à la Nouvelle Zélande, mais leur performance était impressionnante. On était contentes de la manière dont on a géré cette déception pour revenir gagner le bronze dans la course à la médaille. Notre entraînement en fin d'année dernière n'avait pas été optimal, et Corrine devait se battre avec les pépins physiques.

 Heureusement, depuis les Championnats du Monde Piste Paracyclisme UCI, les choses se sont améliorées et on a pu faire un bon bloc d'entraînement ensemble. On a couru la Coupe du Monde UCI en Belgique, en mai, et on a pris le bronze dans le contre-la-montre et signé le résultat qui est peut-être le temps fort de ma saison jusqu'à présent : une médaille d'argent dans la course en ligne. Depuis, on a fait quelques courses locales en Grande-Bretagne et gagné le titre national en contre-la-montre. J'attends avec envie la prochaine manche de Coupe du Monde, au Canada, et ensuite les Championnats du Monde Route Paracyclisme UCI aux Pays-Bas suivis par la course sur route dans le Yorkshire en septembre.

 Comment contrôlez-vous votre effort tout en ayant ce handicap visuel ?

Je n'ai malheureusement toujours pas trouvé de bonne méthode pour avoir un retour auditif fiable sur la puissance que je développe lorsque je suis sur le tandem. Je suis au courant de ma fréquence cardiaque pendant l'entraînement, mais en course, je réagis à mes sensations et au retour de Corrine.

 Êtes-vous professionnelle ?

Je suis une cycliste à temps plein financée par la National Lottery. Nous avons la chance de bénéficier d'un soutien qui nous permet de nous concentrer sur l'entraînement. J'ai également un diplôme en physiothérapie.

 

A quoi ressemble une semaine typique d'entraînement ?

Elle consiste en 15 à 20 heures d'entraînement, avec un mélange de sorties en tandem, de sessions individuelles sur le home-trainer, et de travail de force et de conditionnement en salle. En ce moment, le programme ressemble à ça :

 Lundi : sortie en tandem le matin avec de l'entraînement par intervalles et ensuite une heure seule sur mon vélo sur home-trainer l'après-midi. Je fais des pilates le soir.

Mardi : une heure et demie de home-trainer le matin et une séance en salle au vélodrome du National Cycling Centre à Manchester dans l'après-midi.

 Mercredi : encore deux heures de home-trainer, mais cette fois pour travailler les efforts plus longs de type contre-la-montre.

 Jeudi : une journée plus tranquille avec juste une heure à tourner les jambes sur le home-trainer.

 Vendredi : la même chose que mardi, mais avec des exercices différents lors de la séance en salle.

 Samedi : une autre sortie en tandem avec des efforts spécifiques. 

Votre mari, Neil, est lui-même un paracycliste à succès. Est-ce qu'il est parfois difficile de faire cohabiter deux athlètes hyper compétitifs ?

Il peut être difficile parfois de vivre avec quelqu'un d'aussi compétitif que moi ! Ça veut dire qu'on ne peut faire aucun jeu parce que nous ne sommes pas très doués quand il s'agit de perdre, l'un comme l'autre. Mais la plupart du temps, ça va, on arrive à se soutenir et on comprend le niveau d'investissement nécessaire pour arriver au succès.

 Vous êtes-vous toujours investie dans le sport et le cyclisme en particulier ?

Oui. Je viens d'une famille incroyablement sportive. Ma mère courait et mon père pratique tous les sports : natation, cricket, athlétisme... En ce moment, je représente la Grande-Bretagne en paracyclisme ; mon frère Roy joue pour l'Angleterre en cécifoot ; et mon autre frère, Mark, est en équipe d'Angleterre de cricket pour aveugles.

 J'ai commencé par la course et suis tombée amoureuse de l'athlétisme quand j'étais adolescente. Vers 20 ans, j'ai essayé la course en tandem... Et je ne suis jamais revenue en arrière.

 L'an prochain il y aura les Jeux Paralympiques de Tokyo. Quelles sont vos ambitions ?

Tout notre entraînement est déjà tourné vers Tokyo. La qualification repose sur des critères de sélection établi par British Cycling. En tant que nation, nous marquons des points à chaque fois que nous courons et ces points sont additionnés à la fin de la période de qualification, après les Championnats du Monde en mai l'an prochain. Le nombre de total de points acquis par une nation détermine le nombre de places qu'elle a pour les Jeux, et c'est ensuite à chaque pays de répartir ces places. Si je continue à faire des podiums, je suis dans une bonne position pour être sélectionnée.

 Si j'y parviens, je vise trois épreuves : la poursuite trois kilomètres sur la piste, le contre-la-montre et la course en ligne sur route. Personnellement, mon épreuve favorite est le contre-la-montre.

 Quels souvenirs gardez-vous des Jeux Paralympiques 2016 et de votre médaille d'or ?

Remporter l'or à Rio était un rêve devenu réalité. Je ne m'attendais pas à gagner dans la poursuite 3 kilomètres. J'étais très heureuse que ma famille soit là pour y assister et pour célébrer avec moi. Leur soutien m'a énormément apporté.

 Comment vous détendez-vous en dehors du paracyclisme ?

Pour commencer, j'adore cuisiner. J'essaie toujours de nouvelles recettes saines, et c'est pourquoi j'ai développé mon blog de cuisine, Blindingly Good Food. Je publie beaucoup de recettes et j'écris aussi sur comment se débrouiller en cuisine pour une personne aveugle.

 J'adore tout ce qui touche à la nourriture, donc je sors régulièrement manger dans des restaurants. J'aime aussi la musique et les concerts, et jouer avec ma chienne guide, Tai. J'adore voyager avec elle et l'amener sur des courses quand c'est possible. Malheureusement, elle ne pourra pas être au Canada ou à Tokyo, mais j'espère l'amener aux Pays-Bas et en Belgique l'an prochain.

Pour finir, y a-t-il un(e) para-cycliste que vous admirez ?

Rachel Morris, qui faisait du vélo à main et est devenue rameuse. Quand j'ai rejoint l'équipe britannique de paracyclisme en 2009, elle m'a beaucoup aidée. Elle a dû affronter énormément de choses, sur le vélo et en dehors, mais elle ne s'est jamais laissé abattre. J'ai beaucoup appris d'elle, surtout sur sa manière d'appréhender les choses avec un état d'esprit positif et un sourire sur le visage.