Science et performance dans le paracyclisme

mai 21, 2019, 14:53

Les « gains marginaux » sont entrés dans le langage courant avec les succès du Team Sky, désormais Team Ineos. L'équipe britannique s'est rapidement fait une réputation avec son approche consistant à accumuler de petites améliorations pour obtenir un gain de performance significatif. Mais comme les études ci-dessous le démontrent, le paracyclisme n’est pas en reste dans ce domaine et s’appuie lui aussi de plus en plus sur les études scientifiques les plus récentes.

 

Tandems, vélos à mains et aérodynamique

 

Les paracyclistes pourraient bénéficier des recherches menées conjointement par l'Université de Technologie d'Eindhoven (Pays-Bas), l’Université de Liège (Belgique) et l'Université Nationale d'Irlande, à Galway sur la résistance aérodynamique des tandems et des vélos à mains.

 

L'étude, dirigée par Paul Mannion, a montré qu'une position optimale offrait aux cyclistes pratiquant le tandem un gain de 8,1 secondes sur 10 kilomètres, tandis que le bon choix de roues permettait un gain de 1,6 seconde au kilomètre pour les vélos à mains. Là où la différence entre victoire et défaite se joue parfois sur quelques secondes, ces différences sont énormes.

 

Vingt-trois positions ont été testées en soufflerie, et les résultats étaient riches en surprises, notamment en tandem. « Vous pourriez vous attendre à ce que les athlètes affrontent la résistance la plus réduite lorsqu'ils se penchent sur leur vélo au maximum, explique Paul Mannion, mais nos recherches montrent que l'aérodynamique est meilleure si le pilote est légèrement redressé. Cela aide à protéger du vent le coureur à l'arrière, ce qui réduit la résistance d'ensemble des deux coureurs. »

 

Les vélos à mains ont quant à eux été testés en soufflerie et à l’aide de simulations informatiques. Dans les deux cas, le choix des roues a eu un impact significatif sur la traînée aérodynamique, particulièrement en cas de vent de côté. « Les cyclistes ont tendance à choisir trois roues pleines, écrit Mannion. Mais cela augmente la résistance d'ensemble. Une roue pleine à l'avant et deux roues à bâtons à l'arrière produisent une résistance bien moindre. »

 

L'esprit du champion

 

Alexander Powell et Tony Myers, de l'Université de Birmingham, en Grande-Bretagne, ont évalué la question de la résistance mentale et de ce qui relie les athlètes paralympiques de très haut niveau. Dix d’entre eux ont été interrogés, et trois thèmes généraux ont émergé : des caractéristiques telles que la détermination, le goût du défi, le pragmatisme, l'optimisme et la résilience ; la cognition (par exemple, le refus des limites et la capacité à s'en affranchir) ; et les stratégies cognitives comme la rationalité, la définition d'objectifs, la gestion de la douleur et le contrôle.

 

Sur le seul terrain de la gestion de la douleur, les athlètes se montrent d'une résilience extraordinaire. L'un d'eux, anonyme, explique : « Je me suis blessé et je devais être à la salle de sport tous les jours pendant trois semaines pour faire ce qu'on appelle de l'entraînement d’occlusion. Vous bloquez l'afflux de sang dans un de vos membres, et c'est parti jusqu'à ce que vous échouiez. Mais il faut sans arrêt se dire de continuer, pendant trois semaines... C'était très éprouvant mentalement. »

 

Ces capacité se développent sur deux fondements : les expériences formatrices comme les revers, les traumatismes précoces et l'acceptation de l'échec d’une part, et le soutien de proches et les ressources mentales pour apprendre et avancer d’autre part. En résumé, la recherche montre que les meilleurs athlètes paralympiques du monde présentent des capacités de résilience tout à fait exceptionnelles et que « les athlètes valides et les entraîneurs peuvent apprendre de cette attitude positive, en affrontant les défis les plus durs plutôt que les éviter. »

 

Nourrir la performance

 

Enfin, Victoria Goosey-Tolfrey, de l'Université de Loughborough, en Grande-Bretagne, a étudié l'usage de suppléments alimentaires par les athlètes paralympiques. Au total, 255 sportifs d'élite et 144 sportifs amateurs ont répondu à un questionnaire sur leurs habitudes. Les résultats ont été publiés dans l’International Journal of Sport Nutrition and Exercise Metabolism.

 

Environ 58 % d'entre eux ont eu recours à des suppléments dans les six mois précédents, les athlètes de haut niveau était 1,6 fois plus susceptibles d'y avoir eu recours. Cela reflète le volume d'entraînement plus important de ces derniers et/ou l'accès à des nutritionnistes. Les suppléments les plus populaires étaient sans surprise les protéines, les boissons énergétiques, les vitamines et les glucides (sous forme de poudres, gels ou barres), les raisons les plus souvent invoquées pour justifier leur emploi étant l'amélioration de la récupération, le soutien au système immunitaire et l'apport énergétique. Des résultats très similaires à ce qu'on retrouve chez les athlètes valides.

 

En fait, la différence la plus notable vient de la consommation de canneberge par 9 % des athlètes avec des blessures à la moelle épinière, consommation liée à la prévention des infections urinaires, qui sont communes pour cette population.

 

Classification

 

Dans le même temps, une recherche scientifique est actuellement menée dans le cadre d’événements UCI dans le domaine de la classification des paracyclistes. Conduite par les Universités d’Amsterdam (Pays-Bas) et de Stockholm (Suède) sur une période de quatre ans, ces travaux visent à améliorer le système utilisé aujourd’hui en le faisant reposer sur des éléments scientifiques solides, comme le demande le Comité International Paralympique (IPC).

 

Deux études ont été menées en 2018. Elles portaient sur 72 participants à la manche de Coupe du Monde Paracyclisme Route UCI 2018 d’Emmen (NED) et aux Championnats du Monde Paracyclisme Route UCI 2018 de Maniago (ITA). La recherche est en cours et se poursuivra en 2019.

 

Le paracyclisme et le sport paralympique en général progressent à un rythme rapide, et le développement de la recherche scientifique dans le domaine vient renforcer ce mouvement.