La pandémie de COVID-19, vecteur de villes plus adaptées au vélo en Afrique ?

sept. 1, 2020, 08:56

Les statistiques le montrent : le cyclisme connaît un essor à l’échelle mondiale pendant la pandémie de COVID-19. Les habitants pratiquent le vélo – traditionnel ou électrique – comme activité et moyen de transport bénéfique à la santé, qui permet en outre de respecter les mesures de distanciation sociale mises en place.

 

Des pistes cyclables éphémères ont vu le jour dans de nombreuses villes, et les États-Unis, comme bon nombre d’autres pays, enregistrent des ventes record de vélos.

 

Mais quid de l’Afrique ?

 

Sur ce continent, la majorité des pays ont mis en place des mesures d’hygiène et de distanciation sociale strictes ; certains gouvernements ont choisi de suspendre entièrement les transports en commun, d’autres ont réduit leur fréquence de passage et le nombre d’usagers. Dans un article, le World Resources Institute (WRI) alerte sur les problèmes que pose cette restriction, dans une région où la majorité de la population dépend de revenus au jour le jour pour survivre.

 

Dans leur article portant sur le problème en Afrique, les expertes du WRI Iman Abubaker et Anna Oursler, épaulées de Janene Tuniz, consultante en mobilité durable, ont révélé une réelle faille : au Zimbabwe, le manque de filtrage des usagers dans les transports en commun se traduit, au bout d’un certain temps, par le fait que seuls les médecins disposant d’un véhicule privé se rendent au travail. Au Malawi, en Ouganda et au Kenya, les conducteurs de bus et minibus ont augmenté leurs tarifs après l’imposition par le gouvernement de limites quant au nombre de passagers. 

 

Et les autrices de préciser : « De nombreuses villes africaines ne disposent pas de l’environnement physique nécessaire pour s’adapter aux pics rapides du cyclisme constatés dans d’autres villes. Une mauvaise gestion urbaine impacte directement l’accès aux services de base pour de nombreuses populations, même lorsque toutes les conditions sont réunies. »

 

En termes d’anticipation du pic de Covid-19, les autrices présentent l’Ouganda comme exemple pour l’Afrique : le pays a mis en place des mesures avant que la pandémie ne touche le continent de plein fouet.

 

Fin mars, pendant son quatrième discours à la nation, le Président Yoweri Museveni a déclaré qu’il était plus sain d’utiliser un vélo que les transports en commun. Pendant les confinements en raison de la Covid-19, la réduction de la circulation, associée à un plus grand soutien politique, ont entraîné une augmentation du nombre de cyclistes dans le pays, notamment chez les femmes, ainsi qu’un boom d’activité pour les vélocistes et les mécaniciens vélo.  

 

Le pays dispose déjà d’une politique pour la marche et le cyclisme ; le WRI et le programme des Nations unies pour l’environnement font partie d’une coalition croissante d’organisations en Ouganda qui soutiennent le développement de la première zone de transport non motorisé dans la capitale, Kampala. Ces organisations militent également pour la création d’autres infrastructures de sécurité pour les piétons et les cyclistes. Ces projets nécessiteraient de complètement modifier un pan de route sur deux kilomètres – où se trouvent centres commerciaux, bureaux et cinémas –, artère routière principale jusqu’à récemment. Ce corridor de transport non motorisé s’inscrit dans une stratégie plus large : réduire la congestion à Kampala.

 

 

 

En outre, les pouvoirs publics ont profité de la période de confinement pour rafraîchir l’infrastructure, en bouchant des nids-de-poule, en inscrivant des véhicules de transport en commun et en améliorant le système d’évacuation des eaux pluviales. Pendant cette période, le cyclisme s’est imposé comme une option de mobilité efficace, abordable et pratique pour les habitants.

 

Pour les autrices, « les gouvernements de cette zone peuvent tirer profit de l’expérience de l’Ouganda. Ils peuvent commencer à se pencher sur les défis de la mobilité de façon à promouvoir les systèmes de mobilité durable et sûre, à la fois à court terme, en s’adaptant à la Covid-19, et à long terme, dans l’objectif de devenir des villes durables. »

 

Différentes stratégies complémentaires permettent d'atteindre cet objectif : la mise en place d’infrastructures dédiées de qualité pour les piétons et les cyclistes, des vélos plus abordables et accessibles (par exemple via une importation sans taxes sur les vélos et pièces détachées, des partenariats avec les institutions locales et internationales – comme le gouvernement turc qui a fait don de 100 vélos aux professionnels de la santé en Ouganda) et en cherchant à améliorer l’accès aux services de base.

 

« Aujourd’hui plus que jamais, il est nécessaire de concevoir des villes où les services essentiels sont accessibles aux personnes qui s’y rendent à pied ou à vélo. Mais il faut également décongestionner les villes et rendre les transports en commun plus accessibles dans l’ensemble », écrivent Abubaker, Tuniz et Oursler.

 

« La pandémie a révélé qu’il n’est parfois pas nécessaire de réinventer la roue. Si promouvoir les déplacements à pied et à vélo n’est pas la solution la plus avancée technologiquement pour répondre aux défis de nombreuses villes d’Afrique, c’est certainement la plus efficace. Soutenir le changement aujourd’hui pourrait ralentir la propagation du virus, donner plus d’options aux villes pour l’avenir et aider les villes africaines à s'orienter vers un avenir plus équitable et durable dans l’ensemble. »

 

Photo © Kikomeko Jackson : Des cyclistes à Kampala, Ouganda, pendant le confinement