Où en est le cyclisme sur route italien ?

sept. 17, 2020, 10:46

En 1968, l'équipe cycliste masculine italienne avait remporté le maillot arc-en-ciel à domicile sur le célèbre circuit automobile d'Imola après une échappée épique de Vittorio Adorni et un travail exceptionnel de tous ses coéquipiers. Cinquante-deux ans plus tard, les Championnats du Monde Route UCI reviennent à Imola, et les parcours de cette édition 2020 sont inspirés de ceux dessinés un demi-siècle plus tôt. Le cyclisme italien a radicalement changé au fil des années, traversant des périodes de grands exploits entrecoupées par de longues attentes de nouveaux champions.

 

La première décennie de 2000 a été brillante. Giorgia Bronzini a été la dernière Italienne à prendre un maillot arc-en-ciel, en 2011 – elle était déjà Championne du Monde UCI en titre –, tandis que ses compatriotes Tatiana Guderzo et Marta Bastianelli l’avaient précédée au sommet, respectivement en 2009 et 2007. Alessandro Ballan est devenu Champion du Monde Route UCI à Varèse en 2008, après le doublé de Paolo Bettini en 2006 et 2007, et Mario Cipollini avait triomphé en 2002. Mais après ces victoires, le drapeau tricolore a disparu des podiums.

 

Le 1er septembre 1968, plus de 300’000 spectateurs étaient rassemblés sur les 15,4 km du circuit des Tre Monti. Parmi eux se trouvaient deux jeunes Italiens qui, 52 ans plus tard, connaîtront les Championnats du Monde UCI 2020 à des postes de grande responsabilité pour l'Italie : le sélectionneur national italien Davide Cassani et le Président de la Fédération Cycliste Italienne et Vice-président de l’UCI Renato Di Rocco. Nous leur avons demandé où en était le cyclisme italien aujourd’hui.

 

Davide Cassani

 

Davide Cassani n’avait que sept ans en 1968 lorsqu’avec son père il a vu Adorni dans l’avant-dernière ascension des Tre Monti, à environ 700 mètres du sommet. Et c’est là qu’il est tombé amoureux du cyclisme. Il est revenu sur ces routes deux ans plus tard à vélo : cette passion est devenue non seulement son travail, mais aussi une partie essentielle de sa vie.

 

Comment voyez-vous la santé du cyclisme sur route italien aujourd’hui ?

Davide Cassani: C’est un peu compliqué en ce qui concerne les courses par étapes, car ces dernières années nous avons compté sur les résultats de Vincenzo Nibali et nous sommes toujours à la recherche de celui qui pourrait devenir son successeur. Il y a Giulio Ciccone qui progresse très bien, mais on peut voir sur le Tour de France à quel point on souffre en ce moment.

 

Nibali était également important sur les Monuments, et Bettiol a remporté le Tour des Flandres en 2019...

D.C. : Et à part Nibali et Bettiol, nous pouvons compter sur d'excellents coureurs pour les courses d'une journée. Nous avons récemment remporté les Championnats d'Europe pour la troisième année consécutive avec Giacomo Nizzolo, après Matteo Trentin et Elia Viviani, et en 2019 nous avons terminé deuxième des Championnats du Monde Route UCI avec Trentin.

 

Quelles sont les attentes pour les Championnats du Monde Route UCI 2020 d’Imola?

D.C. : 2020 a été difficile pour tout le monde, j'espère que cela ne se répétera pas. Nous n’avons découvert le nouveau parcours des Championnats du Monde UCI qu’il y a quelques jours. J'espérais avoir une meilleure approche, mais Davide Formolo s'est cassé la clavicule et Ciccone a eu le Covid-19, donc j'ai probablement perdu deux coureurs qui auraient pu être très importants pour l'équipe nationale. La course sera très dure, presque pas de plat, et 550 mètres de dénivelé à chaque tour. Les montées ne sont pas longues, mais elles sont exigeantes, surtout la seconde avec sa partie raide de 1’300 mètres. Cela signifie qu'à la fin, la course deviendra très sélective, et les favoris pourraient être des coureurs comme Julian Alaphilippe, Jakob Fuglsang et Wout van Aert.

 

Renato Di Rocco

Renato Di Rocco avait 21 ans en 1968 et fréquentait l'Ecole Nationale du Sport. Pendant les Championnats du Monde Route UCI, il était stagiaire au sein du comité d'organisation, responsable des médias. Sa famille travaillait dans la fabrication de vélos sous la marque Romeo et a fourni l'équipement de plusieurs coureurs dont Vittorio Adorni. Di Rocco a eu l'honneur de hisser le drapeau italien lors de la cérémonie du podium : « J’ai donné le drapeau à Vittorio à l'occasion du 40e anniversaire, c'était très touchant », a-t-il déclaré.

 

Comment se porte le cyclisme sur route italien en 2020 ?

Renato Di Rocco : Le cyclisme est devenu mondial, mais en Italie, nous n’avons qu’un UCI WorldTeam, chez les femmes. Pour nos fans, il pourrait être ennuyeux de voir souvent les coureurs étrangers à l'avant, mais beaucoup de nos athlètes doivent travailler pour leurs capitaines dans des équipes des premières divisions masculines et féminines.

Nous avons redémarré le calendrier avec des courses difficiles : les Strade Bianche, Milano-Sanremo et Il Lombardia. Les coureurs italiens ont été parmi ceux qui ont le plus sacrifié l'entraînement sur les routes pendant le confinement en raison des décisions gouvernementales. Mais comme nous devons être de bons citoyens avant d’être de bons athlètes, ce n'est pas grave. Pourtant, nous avons pu remporter les Championnats d'Europe avec un travail d'équipe impressionnant et un classement qui aurait très bien pu être celui de Championnats du Monde UCI.

 

Les coureuses italiennes signent de belles performances, et l’Italie est l’une des protagonistes de l’UCI Women's WorldTour à travers le Giro Rosa...

R.D.R. : Nous avons terminé deuxième des Championnats d'Europe avec Elisa Longo Borghini, qui a fait preuve de caractère face aux imbattables championnes néerlandaises. Le Giro Rosa est extrêmement important ; il y a toutes les meilleures équipes du monde avec des coureuses de grande valeur : c’est la course par étapes la plus importante du calendrier et elle se déroule dans des paysages de cartes postales, ce qui peut également faire la différence.

 

 

 

Comment la Fédération a-t-elle géré le redémarrage, pour aider les coureurs de toutes les catégories ?

R.D.R. : Nous avons retroussé nos manches et bien redémarré. Nous avons testé tous les protocoles à Imola avec le projet Extra Giro pour renforcer le concept de multidisciplinarité avec des courses individuelles et des contre-la-montre à l’intérieur de l'Autodrome, à Forlì pour la piste et à Riolo Terme pour le mountain bike. Toutes les catégories ont redémarré sauf, malheureusement, le paracyclisme. non pas par manque de volonté mais parce qu'il est difficile d'obtenir toutes les autorisations. Compte tenu des nombreuses courses annulées, nous avons autorisé une augmentation du nombre des partants sur le territoire national en passant de 176 à 200, puis même plus de 260 afin de ne laisser aucun athlète de côté.

 

Que fait l'Italie pour ses jeunes coureurs ?

R.D.R. : Les jeunes sont ceux qui ont le plus souffert, mais nous avons essayé d'aider autant que possible en tant que Fédération. Nous avons réussi à démarrer le Giro Ciclistica Italia des Moins de 23 ans qui s’affirme comme l’une des épreuves les plus importants dans cette catégorie et à créer une nouvelle équipe Moins de 23 ans en Emilie-Romagne, grâce au Président de la région, Stefano Bonacini. Nous promouvons également une initiative importante appelée « 2 + millions de kilomètres » pour soutenir le mouvement cycliste des jeunes de la Fédération Cycliste Italienne et les activités de récréatives thérapeutiques pour les enfants proposées par Dynamo Camp. La jeunesse est un symbole de renaissance et d'espoir.