Gent-Wevelgem in Flanders Fields, le territoire de Sagan

Hormis ses succès à répétition sur le Tour de France, Peter Sagan est passé à la postérité, dans les courses d’un jour, par ses trois titres consécutifs de Champion du Monde UCI et ses triomphes au Tour des Flandres et à Paris-Roubaix. Mais la Classique dont il a fait sa chasse gardée est bien Gent-Wevelgem in Flanders Fields.

Beaucoup penserait que le recordman des podiums (six) à Gent-Wevelgem est un Belge et qu’il appartient à une ère où l’épreuve, créée en 1934, ne bénéficiait que d’une renommée locale ou lorsqu’elle se disputait, sans forcément tous les ténors du moment, entre le Tour des Flandres et Paris-Roubaix. Mais non, il est de l’époque actuelle, il n’a pas encore 30 ans, il est Slovaque et n’a connu que le Gent-Wevelgem à la participation très internationale de grands champions particulièrement motivés et disputé le dimanche précédant le Tour des Flandres, soit depuis sa mutation au calendrier en 2011, première année de l’UCI WorldTour. Sagan a terminé 49e à son premier essai cette année-là, mais douze mois plus tard, il était déjà remonté à la deuxième place derrière Tom Boonen, l’un de ses cinq co-recordmen des victoires en ces lieux (avec Robert Van Eenaeme, Rik van Looy, Eddy Merckx et Mario Cipollini). Depuis lors, il n’a manqué le podium qu’une seule fois, en 2015 (10e), année marquée par des conditions météorologiques absolument dantesques.

L’édition 2013, qui a vu le premier de ses trois succès dans l’épreuve et son tout premier dans une Classique de printemps, n’a pas non plus échappé aux intempéries. Il a été question d’annuler la course. Elle s’est finalement disputée, mais amputée d’une cinquantaine de kilomètres, avec un coup d’envoi donné sur la côte, à Gistel, le pays de Johan Museeuw, au lieu de Deinze, son point de départ habituel. Sagan était a priori le plus rapide des dix hommes de tête, dans une échappée comprenant Greg Van Avermaet et Borut Bozic, ses dauphins à l’arrivée, mais il s’est payé le luxe de les lâcher, au train, quatre kilomètres avant la fin. Il portait encore, en fin de course, ses manchettes et ses jambières de la formation Cannondale, l’équipe de ses débuts pros sous l’appellation Liquigas en 2010. José de Cauwer, le consultant de la TV flamande, avait d’instinct parlé de « signature » en référence à la bravoure du coureur préférant se lancer à l’offensive au lieu de garder ses cartouches pour le sprint. Sagan a ensuite gratifié la foule de deux wheelies sitôt la ligne franchie. Il avait déjà remporté le maillot vert et trois étapes du Tour de France huit mois plus tôt, mais il signait là le début de sa grande aventure dans les Classiques.

Il a remporté son deuxième Gent-Wevelgem dans un sprint à quatre, en 2016, face à Sep Vanmarcke, Vyacheslav Kuznetsov et Fabian Cancellara. C’était encore une journée historique puisqu’il s’agissait de sa toute première victoire avec le maillot arc-en-ciel, venant après huit places de deuxième (à Abou Dhabi, San Luis, à l’Omloop Het Nieuwsblad, Tirreno-Adriatico et l’E3 Harelbeke), mettant ainsi fin à une certaine légende de la malédiction qui toucherait tous les Champions du Monde UCI sur route en titre.

Deux ans plus tard, fort de son palmarès unique de triple Champion du Monde UCI sur route d’affilée, Sagan était alors un athlète accompli et le cycliste le plus populaire de la planète. Après avoir remporté Gent-Wevelgem en solo puis dans un quarteron d’échappés, il a cette fois battu une vingtaine d’hommes au sprint, dont Elia Viviani, Arnaud Démare, Matteo Trentin, Michael Matthews et Greg Van Avermaet. Viviani, furibond, a eu du mal à digérer sa défaite alors qu’il connaît mieux que quiconque le calibre du Slovaque, tous deux ayant commencé leur parcours professionnel ensemble, chez Liquigas.

« Le Gent-Wevelgem le plus facile que j’aie eu à disputer jusqu’à présent », s’étonna le leader de Bora-hansgrohe pour englober dans un même commentaire la météo plus clémente qu’à l’ordinaire dans cette partie de la Flandre occidentale et l’aisance avec laquelle il s’était imposé, favorisée par l’absence de stress, eu égard à tous ses succès déjà engrangés. Au cours de ses premières années pros, lorsqu’il peinait encore avec la distance plus longue imprimée dans les Monuments – c’est notamment en cela qu’ils se distinguent des autres Classiques – Gent-Wevelgem était naturellement la course d’un jour qui lui convenait le mieux, et il a continué à apprécier de la gagner.

L’époque de la domination de Peter Sagan à Gent-Wevelgem coïncide avec l’instauration d’une version féminine, disputée le même jour, depuis 2012. Lizzie Armitstead en a été la première lauréate et Marta Bastianelli la plus récente. L’épreuve fait partie de l’UCI Women’s WorldTour depuis 2016, année où se sont ajoutées trois autres compétitions labellisées UCI : Coupe des Nations Moins de 23 ans, Juniors et Juniors Femmes UCI. Comme on y trouve aussi les manches de la Coupe de Belgique Cadets et Cadettes en parallèle, cela représente sept courses à Wevelgem en un seul dimanche, le dernier de mars !