Julian Alaphilippe, la touche française de Milan-San Remo

Le Français Julian Alaphilippe (Deceunick-Quick Step) a remporté le premier Monument de sa carrière en devançant au sprint le Belge Oliver Naesen (AG2R-La Mondiale) et les éternels rivaux que sont Michal Kwiatkowski (Team Sky) et Peter Sagan (Bora-Hansgrohe), au sein d’un groupe de dix hommes qui se sont dégagés dans l’ascension du Poggio. C’est la troisième fois qu’un coureur réalise le doublé Strade Bianche-Milan-San Remo après Fabian Cancellara en 2008 et Michal Kwiatkowski en 2017.

« J’étais clairement venu avec l’objectif de l’emporter, a réagi Alaphilippe. Mais je suis tout aussi fier du travail de mon équipe que de ma victoire aujourd’hui. Ce que mes partenaires ont fait pour moi est absolument exceptionnel. J’ai joué la victoire en pensant à leur dévouement. Je ne pouvais pas me permettre la moindre erreur. C’est un sentiment de joie énorme. »

Dix coureurs ont formé la longue échappée du jour à partir du 6e kilomètre, atteignant la minute d’avance dès le km 10 : Fausto Masnada (Androni Giocattoli-Sidermec), Mirco Maestri et Alessandro Tonelli (Bardiani CSF), Guy Sagiv (Israel Cycling Academy), Luca Raggio et Sebastian Schönberger (Neri Sottoli-Selle Italia-KTM), Joonas Henttala, Andrea Peron, Charles Planet et Umberto Poli tous les quatre de la formation Novo Nordisk. Le peloton s’est organisé à partir du 30e kilomètre. Une fois l’écart supérieur aux dix minutes, les équipes Lotto-Soudal, Deceuninck-Quick Step, UAE Team Emirates et Bora-Hansgrohe ont pris les choses en main. Les bonnes conditions climatiques aidant, les coureurs ont filé assez rapidement en direction de la cité des fleurs sur la Riviera italienne pour établir la neuvième moyenne horaire des 110 éditions de la classicissima (43,624km/h)

Les échappés ont roulé à près de 43 de moyenne au cours des trois premières heures et ont continué à accélérer tout aussi longtemps qu’ils sont parvenus à rester aux avant-postes : 43,5km/h après cinq heures de course, 43,715km/h au bout de six heures. Masnada a été le dernier à se rendre à 26km de l’arrivée, soit au pied de la Cipressa que le peloton a escaladée emmené par les Astana de Magnus Cort Nielsen.

Dans la descente, l’enfant du pays Niccolo Bonifazio (Direct Energie) s’est enfuit seul mais le regroupement s’est opéré avant l’attaque du Poggio, où Zdenek Stybar a accéléré pour préparer une attaque d’Alaphilippe, aussitôt poursuivi par un trio de champions du monde UCI : Peter Sagan accompagné de son prédécesseur Michal Kwiatkowski et de son successeur Alejandro Valverde. Le champion d’Europe Matteo Trentin leur a filé le train, à la différence des purs sprinters qui n’ont pas tenu le rythme. L’Italien a été le dernier à tenter l’aventure en solitaire alors qu’il restait deux kilomètres à couvrir. Matej Mohoric (Bahrain-Merida), autre ancien champion du monde UCI, dans les catégories juniors et u23, a lancé le sprint de très loin, aux 600 mètres, mais Alaphilippe demeurait suffisamment lucide pour comprendre que c’était la bonne roue à prendre. Et il avait encore les réserves pour résister au retour de ses adversaires.

« J’ai bien récupéré dans la descente après avoir fourni l’effort dans le Poggio, a expliqué le Français. Malgré tout, je pensais que ce serait compliqué de gagner compte tenu du calibre des coureurs qui étaient avec moi. J’ai fourni un petit effort pour revenir sur Trentin, sachant à quel point il est rapide. Puis je suis resté calme, à côté de Sagan. Quand j’ai vu Mohoric lancer le sprint, j’ai compris que je devais prendre sa roue tout de suite. S’il nous avait pris vingt mètres, c’en était fini pour nous. J’ai conclu de la plus belle des manières. »

« Alaphilippe était intouchable aujourd’hui, a ajouté son dauphin, Oliver Naesen. Il était le plus fort sur le Poggio. Il a lancé le sprint de très loin malgré le vent de face contre des coureurs aussi rapides que Kwiatkowski, Sagan et Trentin. Il est certainement le vainqueur légitime. J’étais plein de confiance avant cette course mais pour finir dans les dix premiers. J’espérais le podium mais je n’y croyais pas vraiment. Ça veut dire que je suis prêt pour les classiques pavées, chez moi en Belgique. Elles me conviennent encore plus que Milan-San Remo. »

Troisième, Kwiatkowski était tout aussi élogieux à l’endroit du Français. « J’ai rêvé de remporter Milan-San Remo une nouvelle fois mais Julian était le plus fort aujourd’hui, dit-il. Je pense que tout le monde a vu ce qu’il a fait sur le Poggio. Avoir les jambes pour sprinter après ce qu’il a fait là est absolument impressionnant. J’étais pour ma part ravi d’être dans le groupe de tête avec les tout meilleurs et je suis vraiment content que le Team Sky m’ait offert la possibilité de disputer cette classique une nouvelle fois. »

À 26 ans, Alaphilippe a seulement quatre jours de moins que le Polonais lorsqu’il s’est imposé sur la via Roma en 2017. Il signe la quatorzième victoire française sur la Primavera. Seule l’Italie (51) et la Belgique (20) comptent plus de succès en ces lieux. Le premier vainqueur de la classicissima était déjà un Français : Lucien Petit-Breton en 1907.