Le col de Turini attire les grimpeurs à Paris-Nice

Nice est la préfecture d’un département français dont la dénomination, « Alpes Maritimes » (ses habitants s’appellent les Maralpins), dirige le plus souvent l’attention sur la moitié de l’appellation tournée vers la mer. Le prestige de la Côte d’Azur l’exige, mais la réalité géologique est également alpine. Le sud du massif, de fait, borde la Méditerranée, qui offre à Paris-Nice, depuis sa création en 1933, les ingrédients d’une épreuve montagneuse dans sa partie finale – à l’exception de l’édition 1959 qui s’est prolongée jusqu’à Rome (Paris-Nice-Rome). Cette année, tous les regards se tournent vers le col de Turini, où s’achèvera l’avant-dernière étape, à la veille de la finale sur la Promenade des Anglais.

« Les seins de glace », un film de Georges Lautner (1974) d’après le roman de Richard Matheson « Someone is Bleeding » (1953), a été tourné en ces lieux, mais en sport, le col de Turini est plus synonyme de course automobile – et par extension de jeux vidéo – que de cyclisme. Depuis les années 60, c’est un haut lieu du Rallye Monte-Carlo. S’y déroule une spéciale, « la nuit du Turini ». Les amateurs se massent en nocturne dans les virages serrés de la montée. Les concurrents de Paris-Nice l’escaladeront pour la première fois dans l’histoire de la « Course au Soleil ». Quand il a pris connaissance, en plein Dakar, début janvier, du parcours de l’épreuve, le pilote Sébastien Loeb, cycliste à ses heures, a concédé qu’il préférait faire le Turini en voiture qu’à vélo. Il sait à quel point c’est dur : 14,9km d’ascension à 7,3% de moyenne, par son versant ouest, via Lantosque, pour atteindre 1’604 mètres d’altitude.

Les nombreux cyclistes professionnels vivant dans les environs – la plupart d’entre eux à Monaco – confirment la difficulté de l’affaire. « C’est une très belle côte, longue et jamais vraiment facile, et ses cinq derniers kilomètres sont réguliers et éprouvants », indique l’Australien Richie Porte qui en fait le pain quotidien de son entraînement, plutôt en période estivale une fois la neige fondue et les températures remontées.

« C’est cool que Paris-Nice l’emprunte cette année, enchaîne le leader de Trek-Segafredo. Je crois savoir que le Tour de France y est passé trois fois et que la dernière remonte à 1973. Ce serait bien que plus de courses cyclistes s’aventurent dans les côtes de la Côte d’Azur. En juillet par exemple, il fait chaud en bord de mer et ça fait du bien de monter au col de Turini pour se rafraîchir. »

Le Tour de France est passé pour la première fois par le Turini en 1948 à l’occasion d’une étape menant le peloton de San Remo à Cannes, Louison Bobet le franchissant en tête avant de s’imposer dans la ville du festival de cinéma. En 1950, le même Bobet était encore aux premières loges mais deuxième au sommet derrière l’autre Breton, Jean Robic, avant que le Suisse Ferdi Kübler ne remporte la neuvième et courte (96 km) étape Menton-Nice. La distance était inversement proportionnelle (234,5 km) entre Embrun et Nice en 1973 lorsque l’Espagnol Vicente Lopez-Carril s’est isolé dans la montée du Turini pour l’emporter au stade Jean-Bouin avec 8’50’’ d’avance sur le peloton Maillot Jaune. Au terme de cette neuvième étape, Luis Ocaña, futur vainqueur du classement général, comptait déjà une marge supérieure à neuf minutes sur son dauphin…

« Le col de Turini fait de cette étape-reine de Paris-Nice une journée de montagne équivalente à ce que l’on trouve sur le Tour de France avec un total de 4’600 mètres de dénivelé », a calculé Warren Barguil, maillot à pois du Tour 2017, qui a reconnu le tracé début février, imité quelques jours après par le Vice-Champion du Monde Route UCI Romain Bardet dont le retour sur les routes de Paris-Nice est très attendu cette année.

Historiquement, l’épreuve sourit à des coureurs complets, en forme dès le début de saison et dotés d’une pointe de vitesse bienvenue dans les sprints bonifications ainsi que dans les côtes relativement courtes et les contre-la-montre de faible distance.

Cette fois, outre Barguil et Bardet, des purs grimpeurs se sont engagés : Nairo Quintana et Richard Carapaz (Movistar), Egan Bernal (Team Sky), Miguel Ángel López (Astana), Simon Yates et Esteban Chaves (Mitchelton-Scott), Rigoberto Urán (EF Education First), Ilnur Zakarin (Katusha-Alpecin) et Fabio Aru (UAE Team Emirates). La présence du col de Turini dans la compétition n’y est certainement pas pour rien…