Tour du Rwanda : entre tradition, ténacité et talent

D’ordinaire éclatant, le soleil était aux abonnés absents lors de la première étape du Tour du Rwanda 2019. Le ciel gris et menaçant n’a en rien altéré l’enthousiasme des spectateurs, qui ont slalomé entre les flaques d’eau pour voir leurs héros s’aligner au départ de la 11e édition de l’épreuve. Ce succès populaire illustre à la fois l’amour du peuple rwandais pour le Tour et le changement qu’il ressent avec bonheur, 25 ans exactement après le terrible génocide.

Les Rwandais engagés dans l’édition 2019 du Tour ont partagé cette joie : « Dans notre équipe, on vit ensemble comme des frères », expliquait Valens Ndaysenga. Vainqueur du Tour en 2014 et 2016, ce coureur âgé de 25 ans n’a pas boudé son plaisir de rouler pour l’équipe nationale du Rwanda.

Cela dit, la famille du cyclisme rwandais était bien consciente que ses protégés n’allaient probablement pas tenir les premiers rôles sur leurs routes cette année. Elle n’a donc pas été surprise par la victoire finale de Merhawi Kudus, qui a gardé le maillot jaune sur les épaules de la deuxième à la dernière étape. Fort de six participations à des grands tours, l’Érythréen de l’équipe Astana était l’un des coureurs les plus aguerris du peloton.

Pour la première fois cette année, le Tour du Rwanda était classé en catégorie 2.1.

Bien que sa difficulté se soit accentuée au fil des ans, cette épreuve a su conserver son charme pittoresque. Les effluves du thé, la joie des spectateurs dans les villages traversés et le parcours vallonné confèrent au Tour du Rwanda une identité unique. L’alternance incessante de montées et de descentes est devenue une tradition que les coureurs viennent à adorer et détester à la fois. Car on ne bat jamais une côte, on se contente de la monter.

Si elle ne pouvait rien faire pour accentuer les pourcentages des routes bien asphaltées, la Fédération Rwandaise de Cyclisme (FERWACY) pouvait en revanche augmenter la longueur et la difficulté des étapes. Et c’est précisément ce qu’elle a fait pour pimenter la course. La troisième étape en a été la parfaite illustration puisqu’elle proposait 213,1 km dantesques au peloton entre Huye to Rubavu.

La difficulté de cette étape, la plus longue de l’histoire de l’épreuve, ne se limitait pas à sa distance. Elle comportait aussi trois ascensions de première catégorie ainsi que deux montées de deuxième catégorie. Au total, les coureurs ont dû avaler un dénivelé positif cumulé de 8792 mètres. Intouchable, Kudus a remporté cette étape et accentué son avance au général.

Contrairement aux années précédentes, où le Rwanda était représenté par trois équipes, le pays hôte n’alignait que deux formations en 2019 : l’équipe nationale du Rwanda et le Benediction Cycling Club, équipe UCI Continental basée à Rubavu.

Les organisateurs se sont félicités de ce changement de catégorie : « Cette évolution est un défi positif non seulement pour les organisateurs mais aussi pour les cyclistes rwandais », a expliqué le président de la FERWACY, Aimable Bayingana. « Cela va nous motiver à rester en dehors de notre zone de confort. »

Jusqu’en 2008, le Tour du Rwanda était une course régionale qui rassemblait les Rwandais et les coureurs de pays voisins tels que le Burundi, la Tanzanie et l’Ouganda. Depuis l’obtention du label UCI en 2009, il s’est progressivement internationalisé. Cette année, les 83 cyclistes en lice représentaient ainsi 14 pays.

« Je me réjouis de ce changement de catégorie. C’est une grande source de fierté », assure Aimable Bayingana (48 ans), dont les bons résultats dans le développement du cyclisme rwandais ont constitué un argument de poids pour accéder à la présidence de l’Union francophone de cyclisme. « Certains veulent s’inspirer de nous », sourit-il. Il faut dire que sa Fédération vise haut. En effet, le Rwanda et le Maroc sont les deux pays africains candidats à l’organisation des Championnats du Monde Route UCI en 2025.

Kudus a été l’homme fort de ce Tour du Rwanda, mais il a dû s’employer jusqu’au bout pour aller chercher la victoire finale. Avant la dernière étape, il a vu son avance sur son poursuivant immédiat, Rein Taaramäe, de l’équipe française Direct Energie, fondre à sept petites secondes. Des secondes qui ont fini par faire la différence. Au bout de huit étapes, 953,6 km et 24h12’37” passées sur la selle, l’Érythréen a fini par l’emporter avec dix secondes d’avance sur son dauphin, lui aussi habitué des grands tours.

Le premier Rwandais, Joseph Areruya, de l’équipe française Delko Marseille, a pris la neuvième place au général. Quant à Valens Ndayisenga, 13e au final, il s’est dit satisfait de sa performance : « C’est ma première course en 2019 et j’aime me mesurer aux hommes forts ».

Assistant à la course sur le bord d’une portion pavée, Pacifiques Niyonshuti résume le sentiment général : « C’est une bonne chose, ce changement de catégorie. Il faut se frotter aux meilleurs pour connaître son niveau réel ».

Cet employé dans l’hôtellerie est en tout cas certain d’une chose : en 2020, il sera encore au bord de la route pour encourager le peloton international de la 12e édition du Tour du Rwanda.