Un Tour de Turquie nouveau mais nostalgique autour de la mer de Marmara

Le Presidential Cycling Tour of Turkey, connu de nos jours comme le TUR, est vu par le monde du cyclisme comme un évènement nouveau car il n’attire de coureurs du plus haut niveau mondial que depuis 2008 et a fait son apparition au calendrier UCI WorldTour en 2017. Mais c’est en réalité la 55e édition d’une compétition née en 1963 sous l’appellation Marmara Tour et qui reprend en partie le tracé de la première année, avec départ et arrivée dans le quartier historique de Sultanahmet à Istanbul, à la différence des années précédentes où la course longeait surtout la Méditerranée et la mer Égée.

La légende du grand champion cycliste Rifat Çalışkan est peut-être confinée à la Turquie mais les gens qui considèrent ce pays comme un territoire tout neuf pour ce sport ont le droit de savoir qu’en réalité, « l’aigle de Konya » (Konya Kartalı, son surnom), a été accueilli en véritable héro, en juin 1963, à Erenkoy, dans la partie anatolienne d’Istanbul. En plus du maire de la ville, Niyazi Akı, 5000 spectateurs bruyants et enthousiastes l’attendaient et l’ont littéralement porté à bout de bras, ainsi que son vélo, jusqu’à la gare.

Dans les années 60, le football et le basketball n’avaient pas encore monopolisé les chroniques sportives en Turquie, si bien que Çalışkan fit les gros titres et l’information principale du quotidien Cumhuriyet qui était – et demeure – l’un des journaux les plus vendus au pays unifié par Atatürk.

« J’ai moi-même de grands souvenirs d’avoir disputé le Marmara Tour, ce sera donc un TUR nostalgique cette année », s’est ému Erol Küçükbakırcı en conférence de présentation de l’épreuve à la presse à la veille de la première étape. Le président de la fédération cycliste turque a aussi représenté son pays, en compagnie de Çalışkan, aux Jeux Olympiques de Munich en 1972, en participant à la course sur route. Çalışkan est décédé en 2009 d’une attaque cardiaque. Depuis son cinquantième anniversaire en 2013, le TUR lui dédie une côte comme le Giro et la Vuelta appellent respectivement leur plus haut sommet la Cima Coppi et la Cima Alberto Fernández.

Cette année, l’arrivée inédite dans la station de ski de Kartepe, terme de l’avant-dernière étape, est supposée définir le classement général final. L’Érythréen Merhawi Kudus (Astana), récent vainqueur du Tour du Rwanda, fait figure de favori avec comme outsiders Jan Polanc (UAE Team Emirates), Felix Großschartner (Bora-Hansgrohe), Jhonathan Restrepo (Manzana-Postobon) et le prodige belge Remco Evenepoel (Deceuninck-Quick Step).

Pour la première fois dans la période moderne du Presidential Cycling Tour of Turkey, Çanakkale est ville-étape. La ville de la côte sud du détroit des Dardanelles occupe une place à part dans l’histoire de l’Australie et de la Nouvelle-Zélande car la sanglante bataille de Gallipoli, qui s’y est déroulée le 25 avril 1915 pendant la première guerre mondiale, a scellé l’identité de ces jeunes nations. Ce jour est férié aux antipodes et comme la place du TUR au calendrier cycliste international se situe plutôt dans la deuxième quinzaine d’avril qu’en octobre comme ces deux dernières années, plusieurs coureurs australiens ont eu l’occasion de marquer l’ANZAC Day en Turquie. Deux d’entre eux s’en souviennent particulièrement car la victoire d’étape à Marmaris, le 25 avril 2012, s’est jouée au millimètre entre Mark Renshaw et Matt Goss, au profit du premier qui opère cette semaine son retour sur l’épreuve avec l’espoir de ramener au premier plan son ami et coéquipier Mark Cavendish.

Caleb Ewan est cette fois l’Australien tout désigné pour une célébration de l’ANZAC avec une semaine d’avance. Mais le sprinter de Lotto-Soudal sait que la partie n’est pas aisée face au fabuleux train de l’équipe Deceuninck-Quick Step dont les wagons sont interchangeables entre Fabio Jakobsen, Alvaro Hodeg, Max Richeze, Michael Mørkøv et Davide Martinelli. Sam Bennett (Bora-Hansgrohe), fort de sept victoires au cours des deux dernières éditions du Presidential Cycling Tour of Turkey, a bien débuté la saison 2019 avec quatre succès dont deux à Paris-Nice. La Turquie a aussi son sprinter en la personne d’Ahmet Örken. Un accueil digne de celui de « l’aigle de Konya » – car il vient de Konya comme Çalışkan – lui est réservé à Istanbul en cas d’exploit de sa part.