1988 : « Miguelon » envoie un message au monde du cyclisme depuis la Catalogne

« Le futur s'appelle Cubino. » A 25 ans, Laudelino Cubino concentrait l'essentiel des attentions espagnoles lorsqu'il volait dans les Pyrénées, sur la Volta a Catalunya 1988, 68e édition de la quatrième plus ancienne course cycliste par étapes.

Le jeune grimpeur était effectivement un « talent spécial », comme la presse espagnole le décrivait avec force superlatifs. Mais sa carrière, perturbée par les blessures, n'a pas répondu aux attentes formulées alors que ses compatriotes entraient dans une nouvelle ère de conquêtes, quelques semaines après la victoire de Pedro Delgado sur le Tour de France (à l'époque, la Volta était disputée en septembre).

Cubino n'était pas le futur du cyclisme et il ne remporta pas la Volta 1988 non plus. Sous les couleurs de l'équipe BH, il a brillé dans l'étape reine, en direction de la station de Super Espot, mais a dû se contenter de la deuxième place au général.

Lorsque le peloton est arrivé à Lleida, Miguel Indurain portait le maillot blanc rayé de vert distinguant le leader de la course. Le colosse de Villava remportait le plus beau succès de sa jeune carrière, trois ans avant le premier de ses cinq triomphes sur le Tour de France.

A cet instant, ils étaient rares ceux qui avaient décelé le potentiel de « Miguelon ». Dans la manière, la Volta a Catalunya 1988 était pourtant annonciatrice de son règne à venir.

Les favoris d'avant course : Delgado, Parra, Lejarreta…

Cadet d'un an de Cubino, Indurain arrivait déjà à la fin de sa quatrième saison professionnelle en septembre 1988. Il s'était affirmé comme un magnifique spécialiste du contre-la-montre, mais ne parvenait pas à afficher la même régularité en montagne.

Il était le premier à le reconnaître : sa saison 1988 avait été quelque peu décevante, même s'il avait apporté un soutien précieux à Pedro Delgado, son leader au sein de l'équipe Reynolds, sur le Tour. « J'ai eu différents problèmes sur la Vuelta [disputée en avril-mai] et j'y ai perdu ma forme, expliquait-il à l'issue de la Volta. C'est bien de finir sur une bonne note en remportant une course aussi prestigieuse que la Volta a Catalunya, mais 1988 ne m'a pas apporté les joies que j'attendais. »

Au départ, Indurain ne figurait pas parmi les principaux noms à surveiller. Son équipe s'avançait derrière le vainqueur du Tour, Delgado. Leur compatriote espagnol Pepe Recio (Kelme), vainqueur de la Volta en 1983, avait fait une revue des prétendants pour le journal Mundo Deportivo : « Mes favoris sont Fabio Parra [3e du Tour de France 1988], Marino Lejarreta [vainqueur de la Volta en 1980 et de la Vuelta a España en 1982] et Delgado. Je suis d'accord avec Alvaro Pino [vainqueur de la Vuelta 1982 et de la Volta 1986], c'est un parcours plus facile qu'en 1987, mais il faut voir quelle sera la difficulté de Super Espot. Je ne connais pas cette ascension et elle pourrait faire la décision avec le chrono du lendemain à Tremp. »

Solide en montagne, dominateur contre la montre

La première étape, 156,8 km autour de Salou, fut peu spectaculaire. Le peloton souffrit de la chaleur estivale sur la côte catalane, et le Néerlandais Mathieu Hermans domina l'emballage massif en bord de mer.

La course resta sur la côte pour la 2e étape, et Alfonso Gutierrez remporta le sprint à Sant Joan Despi.

La troisième journée était divisée en deux demi-étapes, un contre-la-montre de 16,8 km dominé par les Del Tongo-Colnago de Franco Ballerini, et une épreuve en ligne, remportée par un coureur de l'équipe italienne dans l'après-midi, le Polonais Czesław Lang (aujourd’hui Directeur du Tour de Pologne) qui devança le peloton d'un souffle à Platja d’Aro.

Les premières difficultés attendaient les coureurs lors de la 4e étape. Indurain en profita pour prendre 11 secondes à l'essentiel de ses rivaux, grâce à une offensive avec Miguel Angel Iglesias (vainqueur d'étape) et Pepe Recio (3e). Au général, Ballerini n'avait plus qu’une seconde d'avance sur Indurain à deux jours de l'arrivée.

« On contrôle la course », estimait de son côté Laudelino Cubino avant l'étape reine. Ses paroles furent suivies d'actes, et le grimpeur espagnol distança tous les prétendants au général sur les pentes menant à Super Espot pour s'emparer du maillot de leader. Mais Indurain, au sein du premier groupe de poursuite avec Lejarreta et Pino, lâcha seulement une vingtaine de secondes. Il signait alors l’une de ses plus belles performances en montagne, devant son leader Delgado.

Indurain poursuivit sur sa lancée en remportant le contre-la-montre, avec 25 secondes d'avance sur Cubino. De quoi lui offrir la plus grande victoire de sa jeune carrière, sans pour autant gonfler ses ambitions : « A cause de ma taille et de mon poids, je ne serai jamais bien [en haute montagne]. Mais mes progrès en moyenne montagne sont évidents. J'ai appris à souffrir et c'est indispensable pour bien grimper. »

Indurain lui-même n'avait pas conscience qu'il était le futur du cyclisme.