UCI WorldTour 2020: l’année des nouveaux talents ?

Après 2019 et l’arrivée de tant de nouveaux talents au sommet de l’UCI WorldTour, les fans du monde entier se demandent si la décennie annoncée par 2020 leur réserve encore des bouleversements dans l'univers du cyclisme sur route professionnel masculin. La «vieille garde» parviendra-t-elle à reprendre la main? La percée de nouveaux talents a été telle la saison dernière, qu’il est difficile d’en mesurer la portée exacte.

Le plus marquant a peut-être été le fait que les trois Grands Tours ont été remportés par des coureurs qui ne s'étaient jamais imposés auparavant : Egan Bernal (Team Ineos) sur le Tour de France, Richard Carapaz (alors Movistar Team, désormais Team Ineos) sur le Giro d’Italia et Primož Roglič (Team Jumbo-Visma) sur La Vuelta ciclista a España. La Colombie, malgré sa longue et glorieuse histoire dans le cyclisme, n'avait jamais remporté le Tour de France, tout comme l’Équateur ou la Slovénie ne s'étaient jamais auparavant imposés sur aucun Grand Tour.

Plusieurs plafonds de verre ont été brisés lors des Grand Tours 2019, mais ça a aussi été le cas sur les Monuments, dont quatre sur cinq ont été remportées par des novices. Seul Paris-Roubaix, sur laquelle s’est imposé l'ancien Champion du Monde UCI sur route Philippe Gilbert (qui court aujourd’hui pour la Lotto Soudal, mais qui portait alors les couleurs de Deceuninck – Quick-Step), fait figure d’exception à la règle. Et le phénomène ne se limite pas à l’UCI WorldTour. Compte tenu du nombre de nouveaux visages dans le peloton cycliste, il semblait presque logique, en arrivant à la course sur route Hommes Elite des Championnats du Monde Route UCI qu’un nouveau pays s’impose. Cela n'a pas manqué et, grâce au puissant sprint de Mads Pedersen, le Danemark a remporté le premier maillot arc-en-ciel de son histoire.

Après une année 2019 si riche en surprises et en événements pour l’UCI WorldTour, que nous réserve 2020 ? Une chose est sûre, pour les Grands Tours au moins : les coureurs, stars confirmées, de la trempe de Chris Froome (Team Ineos), Tom Dumoulin (Team Jumbo-Visma) et Thibaut Pinot (Groupama-FDJ) vont tous devoir laisser derrière eux une saison 2019 qui, même s’ils n’ont pas démérité, s’est révélée difficile.

Pour Froome, notamment, 2020 pourrait être une saison charnière. Après sa lourde chute sur le Critérium du Dauphiné l'an dernier, le Britannique est résolument et à juste titre en quête de revanche, d’autant qu’un défi historique l'attend cet été : essayer d'égaler le record de cinq victoires sur le Tour de France. Mais Froome pourrait aussi devenir le deuxième coureur le plus âgé à remporter le Tour, après la victoire de Firmin Lambot, il y a près de 100 ans. Et, outre une concurrence toujours plus acharnée, Froome, qui aura 35 ans en mai prochain, devra d'abord affronter le temps qui passe.

Froome, qui n'a rien perdu de sa persévérance, explique que tout son programme de récupération, après sa chute sur le Dauphiné, reste axé autour d’un objectif majeur : arriver sur le Tour en juillet prochain dans la meilleure forme possible. Pourtant, personne ne peut ignorer qu'une partie de la vague de jeunes talents qui inonde actuellement le cyclisme se trouve dans sa propre équipe, le Team Ineos, dont l’un a remporté le Tour l'an dernier, et un autre, le Giro. Parmi les coéquipiers de Froome en 2020, on compte non seulement Bernal et Carapaz, mais aussi le vainqueur du Tour de France 2018, Geraint Thomas, deuxième en 2019.

Au total, les quatre leaders d’Ineos sur les courses par étapes peuvent se targuer d’avoir remporté 10 victoires sur les Grands Tours. Comment l'équipe britannique va-t-elle donc structurer sa stratégie pour le Tour, le Giro et la Vuelta en 2020 ? Devenir la première équipe de l’histoire à remporter les trois Grands Tours la même année sera sûrement l’un des thèmes dominants de la saison.

En tête de liste des challengers, on pourrait bien retrouver les multiples leaders de l'équipe néerlandaise Jumbo-Visma, déjà en embuscade au général en 2019 avec Steven Kruijswijk, troisième sur le Tour, et Roglič, vainqueur de la Vuelta. La signature chez Jumbo-Visma, dans l’entre-saisons, de Tom Dumoulin, deux fois deuxième sur le Tour et vainqueur du Giro 2017, combinée à la confirmation de l'équipe que ses trois meilleurs coureurs participeront au Tour, signifie qu’Ineos aura sans doute affaire à l’opposition la plus féroce en 2020. Des trois participants au Tour chez Jumbo-Visma, beaucoup pensent que Roglič pourrait bien être le meilleur atout de l’équipe, compte tenu du profil particulièrement montagneux de la course en juillet prochain. Quoi qu'il en soit, cet été, l'équipe Jumbo-Visma ne manquera pas de munitions et sa motivation atteindra certainement elle aussi des sommets.

L’équipe Jumbo-Visma semble tellement déterminée à s’imposer sur le Tour qu’elle a retiré son sprinter, Dylan Groenewegen, de l’équation de juillet. Vainqueur de plusieurs étapes sur le Tour par le passé, Groenwegen fera cette année ses débuts sur le Giro et la Vuelta, comptant sur l’ajout à son palmarès de victoires d'étapes dans les trois Grands Tours. Le départ de la Vuelta 2020 aux Pays-Bas constitue une motivation supplémentaire pour les ambitions de victoire du régional de l’étape.

Tous les signaux sont au vert pour indiquer qu’en 2020, les challengers locaux seront bien présents dans le classement général. Peu importe que Julian Alaphilippe, coureur au profil polyvalent, qui a passé 14 jours en jaune l’été dernier avant de lâcher prise pour terminer cinquième au général, ait déjà annoncé qu’il ne jouerait pas le classement général en 2020. Le leader de la Deceuninck – Quick-Step a montré à ses compatriotes qu’il était possible de porter durablement le maillot jaune avec un style de course singulier: agressif, imprévisible, spontané. Il a insufflé un nouvel élan à la bataille pour le classement général du Tour. D'autres rivaux du cru auront sans doute à cœur de suivre son exemple.

Le Français faisant peut-être figure de meilleur grimpeur et favori pour s’imposer l’année dernière, avant qu’une blessure musculaire ne vienne ruiner ses ambitions au cours de la troisième semaine était le grimpeur Thibaut Pinot (Groupama-FDJ). Pinot a parfaitement illustré le changement collectif d'état d’esprit des coureurs l'an dernier, affichant la confiance et la conviction qu’une nouvelle victoire française sur le Tour depuis plus de trente ans était à portée de main, insufflant une attitude plus agressive à la plus grande course du cyclisme. Dans ce contexte, il convient d’attribuer une mention spéciale à l'équipe Arkea-Samsic, l’UCI ProTeam française, que la signature de Nairo Quintana, trois fois sur le podium du Tour de France, fait figurer en bonne place parmi les équipes à suivre sur le Tour.

Alaphilippe, coureur français le mieux placé au classement UCI WorldTour, est déterminé à élever encore un peu plus son niveau lors des Classiques, en commençant par des débuts très attendus sur le Ronde van Vlaanderen – le Tour des Flandres – dès ce printemps. Déjà double vainqueur de la Classique des Ardennes, La Flèche Wallonne, Alaphilippe reste déterminé à devenir le premier Français vainqueur de Liège-Bastogne-Liège depuis Bernard Hinault il y a 40 ans, et sa participation au Monument flamand pourrait permettre à l’un des coureurs les plus polyvalents de ces dernières années d’ajouter une nouvelle dimension à ses talents.

Toutefois, un « vétéran » aimerait surfer sur la vague du changement, au moins sur les courses d'un jour. Il s’agit de Philippe Gilbert (Lotto Soudal), pour la carrière duquel le chiffre «5», comme pour Froome, pourrait être significatif en 2020. Ce printemps, Gilbert cherche à devenir le premier coureur à remporter les cinq Monuments depuis ses compatriotes belges Rik Van Looy, Eddy Merckx et Roger De Vlaeminck, la course Milano-Sanremo étant la dernière qui manque à son palmarès. Si Gilbert décrochait La Primavera en mars prochain, cela propulserait automatiquement l’ancien Champion du Monde UCI sur route UCI au Panthéon des courses d’un jour. Mais un coureur aussi expérimenté que Gilbert, 37 ans, sait bien à quel point ce défi est difficile.

Un autre ancien porteur du maillot arc-en-ciel, Peter Sagan, va devoir battre un record qu’il a lui-même établi. Le Slovaque, âgé de 30 ans, leader de l'équipe Bora-Hansgrohe, débutera sa saison sur le Giro, en mai, avant de s'attaquer à son record de sept maillots verts par points sur le Tour de France. L’idée selon laquelle le profil très vallonné de la course sur route des Jeux Olympiques de Tokyo 2020, en août, sera trop difficile pour un coureur aussi polyvalent que Sagan est très répandue. Mais le fait d’endosser le maglia rosa sur le Giro, compte tenu du fait que la course prendra le départ en Hongrie, non loin de la Slovaquie natale de Sagan, pourrait être une toute autre histoire…

Le Giro 2020 verra aussi un autre champion des Grands Tours, Vincenzo Nibali (Trek-Segafredo), tenter de repousser les assauts de ses jeunes challengers. Vainqueur de quatre Grands Tours, dont le Giro en 2013 et 2016, Nibali est aujourd’hui âgé de 35 ans. Mais sa deuxième place sur le Giro l'an dernier et une victoire d'étape alpine lors du Tour 2019 laissent à penser que la star italienne n'a pas dit son dernier mot.

L'équipe qui a terminé première du Classement UCI WorldTour 2019, Deceuninck – Quick-Step, n'a pas non plus l’intention de renoncer à son statut de longue date d'équipe de premier plan du cyclisme. Il est vrai que pour 2020, l’équipe belge a perdu son sprinter Elia Viviani (neuf fois vainqueur sur l’UCI WorldTour) parti dans l’équipe française Cofidis, qu’une autre star, Philippe Gilbert, est partie chez Lotto Soudal et que l'équipe belge n'a décroché «que» 68 victoires en 2019, soit cinq de moins qu’en 2018… mais la remarquable campagne de printemps d’Alaphilippe sur les Classiques en 2019 pour Deceuninck – Quick-Step, ses victoires sur Milano-Sanremo, les Strade Bianche et La Flèche Wallonne avant un magnifique Tour de France, ne peuvent qu’être de bon augure pour les Belges. De plus, l’arrivée récente de Sam Bennett, qui compte des victoires sur la Vuelta et le Giro en 2019, sera certainement un atout lors des sprints groupés de 2020. La force et la régularité collectives de Deceuninck – Quick-Step sont peut-être un élément encore plus important. Depuis une année un peu en dessous en 2012, l'équipe belge reste la référence des Classiques du printemps dans les Flandres et, malgré les départs de Viviani et de Gilbert, l’effectif de Deceuninck - QuickStep affiche une force de frappe considérable.

Il est aussi logique qu’une équipe aussi brillante que la Deceuninck – Quick-Step bénéficie d'une grande richesse de jeunes talents qui jouent des coudes pour se frayer un chemin dans la hiérarchie de leur sport. L’actuel Champion du Danemark du contre-la-montre Kasper Asgreen, deuxième au Ronde van Vlaanderen - Tour des Flandres, qui a fêté ses 24 ans en avril dernier, est un exemple des stars montantes de la Deceuninck – Quick-Step. Toutefois, son coéquipier belge Remco Evenepoel qui a fait ses débuts sur l’UCI WorldTour pour l'équipe l’an dernier et qui est âgé de seulement 19 ans, a peut-être déjà eu un impact encore plus grand.

L'an dernier, un spectaculaire solo lors d’une des courses les plus importantes d’Espagne, la Donostia San Sebastian Klasikoa, a fait d’Evenepoel le plus jeune vainqueur de l’histoire d’une épreuve de l’UCI WorldTour. Pour 2020, le summum du programme d’Evenepoel en Europe sera sa participation à son premier Monument, Liège-Bastogne-Liège, suivi par ses débuts sur un Grand Tour avec le Giro, moins d’un mois plus tard.

Alors qu'une autre jeune star belge, Wout van Aert (Jumbo-Visma) semble prête à briller de nouveau, un certain nombre de talents tout aussi précoces, issus de « jeunes » nations du cyclisme, affiche ses ambitions pour faire (ou continuer de faire) une percée en 2020. Tadej Pogačar (UAE Team Emirates), a fait forte impression lors de ses débuts en UCI WorldTour en s’imposant sur l’Amgen - Tour of California puis en montrant toute l’étendue de son talent sur un Grand Tour, à la Vuelta 2019, décrochant une troisième place au général et trois victoires d'étape, à tout juste 20 ans. Il va tenter de progresser encore cet été sur le Tour de France. Mikkel Berg, le Danois, qui a remporté le titre mondial UCI du contre-la-montre individuel chez les Moins de 23 ans en 2017, 2018 et 2019, va avoir à cœur de faire un bon début sur l’UCI WorldTour. Son compatriote, le Champion du Monde UCI sur route en titre, Mads Pedersen (Trek-Segafredo), âgé de 23 ans et neuf mois (soit le plus jeune porteur du maillot arc-en-ciel Elite sur route depuis vingt ans) sera déterminé à confirmer sa deuxième place 2018 sur le Ronde van Vlaanderen - Tour des Flandres. Sur les courses par étapes, le Russe Pavel Sivakov (Team Ineos) a fait d'énormes progrès en 2019 avec des victoires sur le Tour de Pologne et le Tour des Alpes, ainsi qu’en prenant la neuvième place du Giro d’Italia, tandis que le Champion du Monde Juniors UCI 2019 de la course en ligne, l’Américain Quinn Simmons, marchera dans les pas d’Evenepoel, quittant les moins de 23 ans pour devenir le plus jeune professionnel de l’UCI WorldTour en 2020, dans les rangs de Trek-Segafredo.

Mais s’il fallait choisir une nation, plutôt qu'un coureur, dont l’impact sur l’UCI WorldTour se fait plus marquant d’année en année, de nombreux fans désigneraient sans doute la Colombie. L’un des signes de cette empreinte est le nombre de ses coureurs présents dans l’UCI WorldTour : lorsque l’UCI ProTour, prédécesseur de l’UCI WorldTour, a été créé en 2005, on ne comptait que quatre Colombiens dans la première division du cyclisme, un chiffre qui est passé à 18 en 2019 et qui atteindra 21, en 2020.

Quant à leur présence au plus haut niveau, Bernal se place évidemment en tête du groupe colombien, ce que son triomphe sur le Tour de France 2019 ne fait que confirmer. Bernal, dont beaucoup prédisent qu’il va ouvrir une nouvelle ère sur les Grands Tours, est devenu, à 22 ans, le plus jeune vainqueur du Tour. Si le Colombien devait réitérer son exploit cet été, il serait encore, à 23 ans et cinq mois, le huitième plus jeune coureur de l’histoire à s’imposer sur le Tour. Bernal serait par exemple plus vieux d’un jour que le quintuple vainqueur Jacques Anquetil lorsqu’il remporta sont premier Tour, en 1957, mais plus jeune que Bernard Hinault lorsque celui-ci ramena le maillot jaune pour la première fois sur les Champs Élysées.

Mais il ne s'agit pas non plus que du Tour : avec des victoires sur le Tour de Suisse et sur Paris-Nice l'an dernier, Bernal atteignait de nouveaux sommets avant même l’été. En 2020, avec ses coéquipiers Thomas et Froome à ses côtés sur le Tour, le jeune coureur sait qu’il ne peut pas se permettre de se reposer sur ses lauriers.

Bernal est le nom qui se démarque dans cette impressionnante génération de jeunes coureurs colombiens, qui compte aussi le grimpeur Sergio Higuita (EF Pro Cycling), 22 ans, le sprinter Fernando Gaviria (UAE Team Emirates), 25 ans, et le très talentueux coureur polyvalent Iván Sosa (Team Ineos), 22 ans. Avec d’autres stars bien établies, comme Rigoberto Urán (EF Pro Cycling), Miguel Angel López (Astana Pro Team), Esteban Chaves (Mitchelton-Scott) et Alvaro Hodeg (Deceuninck – Quick-Step), sans oublier bien sûr Quintana, la jeune garde colombienne n'a sans doute pas fini de signer de belles performances.

Mais il n'y a pas que les Colombiens et autres jeunes coureurs qui semblent prêts à remodeler le paysage de l'UCI WorldTour en 2020. Deux équipes font leur apparition au niveau de l’UCI WorldTour – Cofidis, , qui entame sa troisième décennie d’existence et retrouve l’UCI WorldTour après plusieurs années en tant qu’Equipe Continentale Professionnelle UCI, et Israel Start-Up Nation, qui a vu le jour en tant qu’Equipe Continentale UCI en 2015.

Le coureur star de la Cofidis est indubitablement l’ancien coureur Deceuninck – Quick-Step, le sprinter Elia Viviani, qui va maintenir les deux Grands Tours de la saison 2019 sur son programme. Viviani cherchera à mettre fin à l'absence de victoire d'étape de Cofidis sur le Tour de France et tentera de renforcer la présence de l'équipe sur les Classiques d'un jour.

Le succès d’Israel Start-Up Nation en 2020 dépendra quant à lui des éventuels résultats de coureurs comme Dan Martin, André Greipel et Nils Politt. Si Martin parvient à réitérer ses victoires précédentes sur des étapes de Grands Tours et dans des Monuments comme Liège-Bastogne-Liège ou Il Lombardia, ou si Greipel retrouve le chemin de la victoire après une saison décevante chez Team Arkea-Samsic, voire, si Politt fait mieux que sa deuxième place sur Paris-Roubaix en 2019, alors Israel Start-Up Nation aura fait des débuts plus que satisfaisants sur l’UCI WorldTour.

2020 semble donc réunir tous les ingrédients pour être une nouvelle saison marquée par le changement, où un coureur de la nouvelle génération Elite sur route pourrait chercher à confirmer ses bonnes performances de 2019. Quant aux stars confirmées, comme Froome et Gilbert en tout cas, il ne s'agit pas seulement de gagner plus de courses : 2020 pourrait être leur meilleure chance de marquer l’histoire du cyclisme en remportant respectivement cinq Tours de France et les cinq Monuments. Pour résumer, les fans de cyclisme du monde entier ne devraient pas s’ennuyer en 2020 !